Mieux connaître les têtes de bassin versant

Dernière modification : 01/2019

Les têtes de bassin constituent les zones amont de nos cours d'eau. Ces espaces souvent mal connus assurent pourtant de nombreux services aux bassins qu'ils alimentent : zones de sources ou zones "éponges" retenant l'eau en hiver et la libérant en été, zones tampon autoépuratrices, réserves de biodiversité... Autant d'atouts qui incitent les gestionnaires des cours d'eau à développer les connaissances sur ces territoires souvent fragiles.

Dossier rédigé avec la contribution d'Anthony COUDART dans le cadre de son stage à l'EPTB en 2018.

 

Pourquoi s'intéresser aux têtes de bassin ?

De nombreuses études montrent qu'une part importante des enjeux de qualité et de quantité d’eau se jouent sur les zones situées à l’amont de nos grands cours d’eau. Ainsi, sur un bassin versant comme celui de la Sèvre Nantaise où aucun cours d'eau n'est jugé en bon état écologique, l'attention portée aux têtes de bassins versant permet de se focaliser sur les origines de la dégradation de nos cours d'eau à une échelle d'analyse fine et cohérente du point de vue hydrologique.

Zone humide en tête de bassin 

Ce que disent le SDAGE et le SAGE

Le SDAGE Loire Bretagne définit les têtes de bassins versant comme les bassins versants des cours d'eau dont le rang de Strahler est inférieur ou égal à 2 et dont la pente est supérieur à 1 % (plus d'explications ci-dessous). Ce critère de pente peut-être adapté localement pour les cours d'eau à faible puissance spécifique et présentant un risque de non atteinte des objectifs environnementaux.

Le SAGE du bassin de la Sèvre Nantaise intègre la question des têtes de bassins versant dans sa disposition 46-1 visant à améliorer la connaissance des têtes de bassin versant et prévoit une étude précisant leur localisation et la caractérisation de leur fonctionnalités. Cette dernière a été réalisée dans le cadre d’un stage entre avril et septembre 2018.

 

Les fonctionnalités des têtes de bassin

Les têtes de bassins versants occupent une part importante de nos territoires (entre 70 et 75% en moyenne au niveau national). De part la diversité des paysages qu'elles occupent, les têtes de bassin assurent une série de services écosystémiques qu'on peut classer en trois grandes familles.

Les composantes des têtes de bassin et leurs fonctionnalités associées - Le Bihan 2013 (agrandir)

Les fonctions hydrauliques et hydrologiques

Elles sont assurées en grande partie par les zones humides des têtes de bassins versant. Elles représentent entre autre la capacité de résilience du territoire face aux problématiques de sécheresses et de fortes précipitations. En outre, les têtes de bassins versant représentent également la zone de production sédimentaire des cours d’eaux.

Les fonctions trophiques et biologiques

Elles concernent la place importante des têtes de bassin dans la chaîne alimentaire et comme espaces de biodiversité. Représentant une mosaïque de milieux variés tel que les forêts, les marais, les prairies agricoles, les bocages… il est naturel que ces espaces à multiples facettes concentrent une biodiversité importante.

Les fonctions physico-chimique

Elles illustrent, quant-à elles, les capacités d’auto-épuration des têtes de bassin. En effet, de nombreuses études montrent que des éléments naturels comme les micro-organismes aquatiques, la végétation hélophyte, aquatique et terrestre contribuent à absorber une grande quantité de nutriments et de gaz à effet de serre.

 

Comment délimiter les têtes de bassin ?

La définition, les principes

Principe de calcul des rangs de Strahler

 

La définition du SDAGE Loire-Bretagne repose sur un critère hydrographique, plus particulièrement les rangs de Strahler. Il s'agit d'une ordination numérique des affluents d’un cours d’eau partant de la source et s’incrémentant à chaque confluence jusqu’à son exutoire final.

Ainsi le cours d’eau le plus proche de la source portera le numéro 1, le cours d’eau après la première confluence le numéro 2 et ainsi de suite.

 

En orange, un exemple de tête de bassin (regroupement de cours d'eau de rangs 1 et 2)

Selon la définition du SDAGE, pour délimiter la superficie des têtes de bassin il suffit ensuite de remonter l’ensemble des surfaces drainées par les cours d’eau de rangs 1 et 2 en utilisant les données du relief diffusées par l’IGN.

 

Les traitements automatisés

Depuis une dizaine d’année plusieurs études de localisation et de caractérisation des têtes de bassins versant ont vu le jour sur le bassin Loire Bretagne. Ces études reposent toutes sur des principes communs de calcul des rangs de Strahler, puis délimitation des surfaces drainées par les rangs 1 et 2.

Ces étapes nécessitaient des temps de traitements importants, en particulier pour la correction du tracé des cours d'eau qui font souvent l'objet d'incohérences (cours d'eau isolés, sens d'écoulement inversés, doubles tracés...).

Dans le cadre du stage d'Anthony COUDART (2018), l'EPTB a focalisé son travail sur l’automatisation de la correction des référentiels géographiques et de la délimitation des têtes de bassins. Les traitements informatiques mis au point permettent ainsi de gagner un temps précieux. Ils peuvent facilement être "rejoués" en cas de mise à jour des données, comme c'est le cas actuellement avec les démarches d'inventaires officiels des cours d'eau menées aux échelles départementales.

Les traitements automatisés permettent de corriger le tracé des cours d'eau, de calculer les rangs de Strahler et de délimiter les têtes de bassin automatiquement

Le code source des outils élaborés lors du stage sont publiés sur le GitLab de l'EPTB. Ils reposent uniquement sur des outils open-source (cf. encadré ci-dessous).

Le travail réalisé en 2018* a ainsi permis d'identifier 1277 têtes de bassin sur le bassin de la Sèvre Nantaise, d'une surface moyenne de 1,4 km². (* sur la base des tracés des cours d'eau disponibles)

75%
de la surface du bassin de la Sèvre Nantaise est occupée par des têtes de bassin versant

 

La localisation des têtes de bassin sur le bassin de la Sèvre Nantaise (d'après les données disponibles en septembre 2018)

 

Comment caractériser la sensibilité des têtes de bassin et les pressions subies ?

Une fois les têtes de bassin localisées, la poursuite de la démarche consiste à dresser une carte d’identité de chaque zone basée sur la détermination des caractéristiques physiques et des pressions subies.

Les méthodes élaborées par l'EPTB Vilaine et le Syloa

Des échanges avec l’EPTB Vilaine et le Syloa, respectivement structures porteuses du SAGE Vilaine et du SAGE estuaire de la Loire, ont mis en évidence des démarches avancées de caractérisation des têtes de bassin. En particulier sur l'étude des corrélations entre données cartographiques et observations de terrains sur le bassin de la Vilaine et méthodologie de priorisation des interventions sur l'estuaire de la Loire.

Ces démarches reposent sur une liste d'indicateurs décrivant les têtes de bassin. Ceux-ci permettent d'évaluer à partir de données cartographiques l’état et les pressions qui peuvent peser sur ces milieux. Ces indicateurs sont le fruit d’études et d'échanges au sein de comités associant experts techniques (en particulier l'Agence Française de la Biodiversité) et référents locaux.

Les indicateurs pris en compte

Aujourd’hui une trentaine d’indicateurs sont utilisés dans les calculs de vulnérabilité et de pressions subies. Ils peuvent être classés en 2 grandes familles :

  • Indicateurs de caractérisation physique, morphologique et hydromorphologique (tailles, pentes, compacité, formes…)
  • Indicateurs de pressions (occupations du sol, présence de rejets d'assainissement, de plans d’eau…)

L’analyse statistique des différents indicateurs permet de mettre en lumière des territoires naturellement sensibles ou subissant des pressions plus ou moins élevées.

Comme lors de l'étape de délimitation des têtes de bassin, l'EPTB a développé une série de traitements informatiques permettant d'automatiser le calcul de ces 30 indicateurs ainsi que leurs croisements pour aboutir à une hiérarchisation des têtes de bassin.

 

Quelles suites à cette démarche d'amélioration des connaissances ?

Les étapes précédentes ont permis de localiser les têtes de bassin et de les caractériser. Un premier croisement d'indicateurs permet d'identifier les têtes de bassin les plus sensibles et les plus soumises à pressions. Ces résultats restent à consolider dans les prochains mois. Ils pourront ensuite constituer une première étape d'analyse mobilisable par les acteurs locaux, l'EPTB et ses partenaires ainsi que la Commission Locale de l'Eau dans la mise en oeuvre du SAGE, en particulier pour l'identification de futurs territoires prioritaires et des leviers d'action pour la reconquête de la qualité de l'eau et des milieux aquatiques.

Focus sur les outils développés par l'EPTB Sèvre Nantaise

A l'occasion du travail sur les têtes de bassin, l'EPTB a développé une série d'outils informatiques permettant de réaliser les traitements suivants  :

  • Correction automatique du tracé des cours d'eau (tronçons isolés, sens d'écoulement, tracés contigus), à partir du tracé des cours d'eau (IGN ou DDTM) et du Modèle Numérique de Terrain
  • Calcul du rang de Strahler
  • Délimitation des bassins versants de chaque tronçon de cours d'eau
  • Fusions des bassins des cours d'eau de rangs 1 et 2 pour obtenir les têtes de bassin
  • Calcul d'une série d'indicateurs physiques et hydromorphologiques :
    • Pente moyenne, pente du chemin le plus long
    • Indice de compacité, temps de concentration
    • Densité du réseau hydrologique
    • Position de la tête de bassin (apicale, aval)
    • ...
  • Sur la base d'une couche d'occupation du sol fine constituable à partir de données disponibles au niveau national, calcul d'une série d'indicateurs :
    • Indice de pression basé sur les types d'occupation du sol
    • Densité des plans d'eau et des mares
    • Taux d'imperméabilisation
    • ...
  • Traitements statistiques, croisements et pondérations des indicateurs

Ces traitements reposent uniquement sur des outils open-source :

  • GRASS pour une partie de l’analyse spatiale,
  • PostgreSQL/PostGIS pour la partie base de données et le traitement de données
  • le langage PHP et le microframework Silex pour la partie chaînes de traitements et interface utilisateur.

Les traitements peuvent être lancés indépendamment (manuellement via l'interface ou en ligne de commande), ou bien chainés afin, par exemple, de calculer l'ensemble des indicateurs de caractérisation physique des têtes de bassin en une seule étape.

Le code source de l'ensemble de ces outils (traitements, bases et fonctions PG, interface utilisateur) sera ouvert dans les prochaines semaines et accessible sur le Gitlab de l'EPTB sous licence AGPL V3. Une bonne part des ces sources sont également consultables dans le rapport de stage d'Anthony COUDART téléchargeable en bas de page.

Toute structure intéressée pourra ainsi utiliser ces travaux sur son propre territoire. Si vous souhaitez utiliser le code ou si vous voulez y contribuez, inscrivez-vous sur notre Gitlab et dans tous les cas n'hésitez pas à nous contacter aux coordonnées ci-dessous pour échanger sur le sujet.

 

Contact :

Sébastien RENOU

Responsable du Pôle Analyse territoriale - Systèmes d'information

Etablissement Public Territorial du Bassin de la Sèvre Nantaise

Moulin de Nid d'Oie 10bis route de Nid d'Oie CS 49405
CLISSON Cedex

02.51.80.09.51

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Contact :

Antoine RIVIERE

Chargé de mission

Etablissement Public Territorial du Bassin de la Sèvre Nantaise

Moulin de Nid d'Oie 10bis route de Nid d'Oie CS 49405
CLISSON Cedex

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